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Roman de Khalil ZEGUENDI
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A mes lecteurs: Zbiba est une fiction tirée d'une histoire réelle.
C'est la pénible et douloureuse histoire d'une jeune paysanne de la région de Rgayaa, village situé à mi chemin entre les villes de Tetouan et de Tanger
C'est la pénible et douloureuse histoire d'une jeune paysanne de la région de Rgayaa, village situé à mi chemin entre les villes de Tetouan et de Tanger
Je vous livre les premières parties de cette aventure hors du commun en trente pages, sur le blog Bruxellois surement.
Les 150 pages qui suivent vous seront livrées sous forme de livre de poche, si tel est par la suite, votre souhait
Bonne lecture
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Lekbir
prospère et se protège à l'ombre de l'armée espagnole
Pour
assurer la réussite de son entreprise, Lekbir poussait l’audace
jusqu’à prendre des initiatives quelque peu risquées, en
commandant, de temps à autre auprès des contrebandiers effectuant
les navettes entre Ceuta et la Croix blanche, de l’alcool et
d’autres produits prohibés.
Prudent
comme un sioux, il commença par des acquisitions limitées de
bouteilles de whisky, qu’il écoulait au prix fort, auprès des
officiers dirigeant la base de Rgayaa.
L’argent rentrait et Lekbir ne laissait rien au hasard.
Il
consentit à vendre à crédit, à certains soldats.
Surtout
ceux qui payaient sans rechigner, au moment de la perception de leur
solde.
A cet effet, un double livret de dettes était rigoureusement tenu à jour par Lekbir.
Aucun
soldat ne discutait ou contestait les montants réclamés par le
fournisseur de l’armée espagnole, stationnée à Rgayaa.
Au
bout de la première année d’exercice, Lekbir recruta autour de
son commerce, une nuée de collaborateurs et de jeunes prestataires,
ex bergers et autres laboureurs.
Prompts à rallier la Croix blanche, voire
même les villes de Tetouan ou de Tanger pour le ravitailler, ces
prestataires se mirent de jour comme de nuit, au service de leur
patron.
Lekbir
acheta à Hajj Kaddour, pour un prix quasi symbolique, un terrain de
quatre hectares, situé non loin de l’emplacement de la caserne, de
même que la trentaine d’ânes dont il s’occupait jadis.
Ces
acquisitions étant faites, Lekbir put assurer lui-même le transport et le stockage des marchandises destinées aux pensionnaires de la caserne de
Rgayaa.
Sur
le terrain qu’il acheta à Hajj Kaddour, il construisit
une imposante baraque, dont les murs furent bâtis par des blocs,
fabriqués à base de terre, de bouse de vache et de paille asséchée.
Il
n’eut aucune peine à obtenir des militaires espagnols, la quantité
de tôle nécessaire au recouvrement du toit du bâtiment.
Il
reçut en sus, trois grandes portes métalliques, provenant de la
remise de l’édifice militaire.
En
un mois, le hangar destiné à recevoir la marchandise acquise par
Lekbir, était fin prêt.
Pour
servir dans l’entreprise commerciale de Lekbir, de nombreux jeunes
du village cessèrent de fréquenter l’école coranique de Rgayaa
ou les activités pastorales ou paysannes.
La
fortune de Lekbir augmentait, de même que son influence et son
pouvoir parmi les familles fermières qui composaient
l’entité.
En
1929, Lekbir a 24 ans. Son entreprise commerciale tournant à plein
régime, ne fonctionnait plus à la commande occasionnelle.
Le stock était constamment reconstitué et quasi toutes les demandes étaient satisfaites en temps réel.
Le stock était constamment reconstitué et quasi toutes les demandes étaient satisfaites en temps réel.
Ses déplacements au carrefour du Cruce blanco devinrent hebdomadaires pour la
perception des marchandises commandées une semaine à l’avance,
auprès des passeurs et autres contrebandiers, circulant entre Ceuta
et Tetouan.
Et
à chaque descente, pour prendre possession de sa marchandise, Lekbir
affrétait une authentique caravane, formée de mulets lui
appartenant.
Il
payait toujours comptant ses fournisseurs. Ce qui encourageait les
navetteurs à priser la collaboration avec lui.
Lekbir
élargit le cercle de ses protecteurs
Le
Caïd de la province de Jbel Hbib, dont dépendait le village de
Rgayaa, hésitait à importuner Lekbir ou à lui réclamer la
redevance due par tous les commerçants ruraux de la province.
La
crainte de heurter les susceptibilités des militaires espagnols
protecteurs de Lekbir, retenait les élans taxateurs du Caid Thami.
Le
dépôt de Lekbir regorgeait de produits de diverse nature.
Un
matin nuageux du mois de novembre 1929, il décida de prendre la
route, menant vers le village de Jebl Hbib, siège du caïdat de
cette province.
Devenus
hommes à tout faire, les deux ex-répétiteurs coraniques étaient
du déplacement.
Après une heure et demie de marche, que Lekbir effectua à dos de cheval, et alors que le village se réveillait à peine, l’un des collaborateurs de Lekbir frappa à la porte de la grande maison campagnarde du Caid Thami.
Après une heure et demie de marche, que Lekbir effectua à dos de cheval, et alors que le village se réveillait à peine, l’un des collaborateurs de Lekbir frappa à la porte de la grande maison campagnarde du Caid Thami.
Il
savait que le fonctionnaire provincial du Makhzen, était déjà au
courant de sa visite.
Un
accueil des plus chaleureux fut réservé à l’ancien ânier,
devenu au fil des ans, l’un des hommes les plus les plus craints de
cette province englobant onze villages, quelques douars et autres
hameaux.
Avant
même de prendre place sur l’une des banquettes du salon arabe,
Lekbir déposa sur la table ronde de la pièce, une boite à cigares.
S’adressant
au Caïd : "Un
petit présent pour mon ami Ssi Thami".
"Ce
n’était pas nécessaire, mon cher frère Lekbir", rétorqua,
hypocritement le caid.
Ajoutant :
"Ta
seule venue me remplit de joie"
De
manière inattendue et brutale, Lekbir répliqua :
"Oh
que si. Et tous les trois mois, je passerai
personnellement te remettre une boite semblable…Ouvre-la déjà, Ssi
Thami."
Et
comme pour atténuer la rudesse de ses propos et détendre quelque
peu l’atmosphère, Lekbir ajouta :
"Attention
Ssi Thami au serpent qui se trouve dans la boite, il est
particulièrement venimeux".
Disant
cela, il éclata d’un rire stupide et primitif. Les deux aides
l’accompagnant, se sentirent dans l’obligation de ricaner, pour accréditer hypocritement le caractère subtil de la plaisanterie.
Ssi
Thami ouvrit la boite et fut à peine surpris de son contenu:
"3000
pesetas, cher ami", dit Lekbir. "De quoi acheter un taureau ou
renouveler le jeu de bracelets en or de Chrifa" (L'aînée des femmes du Caïd)
"On m'a parlé de ta générosité", dit Thami, "mais ce que je vois
dépasse de loin tous les dires de mes amis. Tu sais que ma maison
t’est ouverte et que celui qui osera porter atteinte à ta personne
ou à tes biens, je le brise tout net… Mais on parle, on parle,
alors que rien n’est sur la table"
Le
caid de crier :
"Rkia,
amène-toi, espèce d’étourdie"
Une
jeune femme, la dernière et la plus jeune des épouses du Caid,
apparut sur le seuil de la porte de la pièce.
Elle portait un lourd
plateau traditionnel en faux argent, contenant l’attirail nécessaire pour la
confection du thé à la menthe.
Elle
retourna à la cuisine chercher un second plateau, chargé de toutes
sortes de gâteaux, localement fabriqués.
"Trêves
de salamaleks, Ssi Thami. Je sais que tu es un fieffé bandit", dit
Lekbir, sur un ton de plaisanterie.
Ajoutant :
- "Entre nous, il faut que le deal soit clair: tu demandes à tes hommes
de regarder ailleurs quand ma marchandise passe et je saurai me
montrer très large avec toi"
.
- "Tu sais que tu me plais, Ssi Lekbir. Ta franchise me séduit", répondit
le Caïd Thami
Et
tendant la main :
-"
Top là, sale brigand, nous sommes faits pour nous entendre"
Ils
burent le thé et dégustèrent les gâteaux, en devisant au sujet
des opportunités qu’ils avaient, l’un comme l’autre, à glaner
dans la région.
Les
précieux conseils et autres ficelles, fournis à Lekbir, par le
Caïd, se révéleront précieux. Surtout
ceux relatifs à la situation de certains paysans locaux, endettés
jusqu’au cou et cherchant à céder leurs biens, pour quelques pesetas.
Au
moment du départ, sur le seuil de la demeure du Caïd, Lekbir tira
de sa sacoche, portée en bandoulière, quelques billets de cents
pesetas et les tendit au fonctionnaire du makhzen
"C’est
pour les enfants", dit-il !
Depuis
cette rencontre au sommet, toutes les plaintes, adressées au caÏd,
par les villageois, plaintes relatives aux exactions et autres délits
commis par Lekbir ou ses aides, furent classées sans suite.
L’ordre
fut donné aux hommes du caïd de ne jamais entraver les affaires de
l’ex-ânier, protégé par les officiers espagnols de la caserne de
Rgayaa.
Celui-ci
obtint ainsi la bénédiction intégrale de l’édile makhzenien de
la province de Jebel Hbib, désigné à cette fonction par les
autorités indigènes marocaines.
Tous
les trois mois, le caïd recevra des mains mêmes de Lekbir, la
commission habituelle et récurrente, agrémentée d’un cadeau,
sous forme d’une jellaba en soie ou d’un caftan, pour l’une
des épouses du caïd qui, aux dires de ses proches, possédait un
vrai harem.
La suite : samedi prochain
La suite : samedi prochain
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