Qui fut Guy Cudell ?

 

...l'ex bourgmestre de Saint Josse

 

 

Cudell a dit 

Ancienne résidence de Guy Cudell et Marthe Vandenberghe (Rue de la Pacification)

 Pour retracer le parcours unique de ce personnage haut en couleurs que fut l'intellectuel, l'homme de lettres, le politicien, le journaliste, le play-boy, le résistant Guy Cudell, une encyclopédie toute entière ne suffirait pas à cerner son parcours.

Saint - Rémy

 

Avant d'étaler cette carrière exceptionnelle de cet homme politique, plus connu avec son écharpe de bourgmestre qu'avec ses mandats ministériels ou comme président d'une multitude d'intercommunales, intéressons nous un peu à celui qui fut son rival politique: son prédécesseur le bourgmestre André  Saint Rémy

Né le 12 mars 1913, à Saint Josse ten Noode, André Saint Rémy est arrivé à la politique sur le tard, puisqu'il fut élu conseiller communal en 1946. 

 

Docteur en droit et brillant juriste, celui qui deviendra le 14 ème maïeur de la plus petite commune du pays en 1947, fut un fervent catholique et l'une des figures de proue du très puissant parti Social chrétien (le PSC).

Formation politique qu'il quittera en 1954 pour former avec d'autres mandataires du PSC, le Rassemblement social chrétien de la Liberté

Cette sensibilité chrétienne recueillit 40.622 en aux législatives de 1954.

Saint Rémy fut élu à cette occasion.

Bien plus tard, il quittera la commune de Saint Josse pour être élu conseiller communal en 1970 à Woluwé Saint Pierre

Saint Rémy aura beaucoup de sympathie pour le jeune Guy Cudell qui collaborait comme journaliste à la gazette socialiste le Peuple dès sa sortie de l'Université.

 

Les secondaires effectuées par Guy Cudell au Collège Saint Michel lui avaient permis de se frotter à des professeurs dont nombre d'entre eux étaient des jésuites

Entre les deux conflits mondiaux, me raconta Cudell de son vivant, les membres du PSB (Parti socialiste belge) devaient disposer d'un abonnement au Peuple, être syndiqués à la FGTB (Fédération des travailleurs de Belgique) et affiliés à la Mutualité socialiste. 

 

Ces affiliations permettaient d'"ouvrir des portes" à de nombreuses opportunités au sein de secteurs émargeant à la fonction publique et aux administrations

Le PSB n'était pas le parti de Staline mais n'en était pas si loin.

 

 

Guy Cudell fut également l'un des premiers jeunes du PSB à avoir fondé l'Organisation des Jeunes socialistes, qui portait auparavant l'appellation plutôt martiale et rébarbative de "Jeunes Gardes socialistes". 

 

 

Très dynamique et avide de leadership, il animera les Faucons rouges, organisation de scoutisme mise en place par le PSB

 

En 1937, il présente et réussit son jury central avant et rencontrer Marthe Vandenberghe qui deviendra son épouse en 1939. 

 

Le couple aura trois enfants: John, Françoise et Arnaud.

 

A la décharge du PSB, tous les partis politiques de cette époque, le PSC en tête, s'adonnaient à ces pratiques clientélistes.

Chaque parti avait fondé sa mutuelle, son syndicat et moult organisations satellites (femmes, jeunes, fédérations sportives...etc)

 

 

Au PSC, les membres, pour être bien vus, devaient aussi assister aux messes aux côtés des dignitaires du parti.

Pendant la seconde guerre mondiale, le PSC de Saint Rémy avait reçu du gouvernement national belge, la mission de distribuer les bons de rationnement à la population ten Noodoise.

Ce qui accentuait sa visibilité.

La rue du Vallon

Fin des années '40, lorsque Cudell décida d'entrer en politique, il habitait dans une maison située Rue du Vallon, à l'entrée de la Place Saint Josse, maison cossue que ses parents, négociants en textile de qualité supérieure avaient achetée peu après avoir déménagé de la commune de Woluwe Saint Pierre où ils avaient élu domicile à leur arrivée de France.

 

A la rue du Vallon, les parents Cudell disposaient d'un dépôt pour stocker leurs  marchandises.

Bien que de sensibilité politique et philosophique opposée à celle du jeune journaliste du Peuple, Saint Rémy flasha - comme on dira présentement - pour le brillant Cudell qui avait de la prestance, un don d'orateur (déjà) hors pair et une grande connaissance de l'histoire de la Belgique et de l'Europe.

 

 

N'avait il pas étudié l'histoire de l'art ?

 

Sans hésiter, Saint Rémy "prit" Cudell comme échevin dès l'arrivée du jeune Guy au Conseil communal en 1947.  

A l'issue  du scrutin de 1952, Cudell succéda à Saint Rémy à la tête de la commune.

Fonction qu'il ne quitta que fin des années quatre vingt dix, alors qu'il était sur le lit de sa mort à l'hôpital Erasme

 Son entrée en fonction comme bourgmestre en 1953, suscita une grande hostilité de la part des vieux caciques de la section PSC de la commune.

Quand Saint Remy passa  le témoin à Cudell, il insista tant est plus pour que la coalition PSB - PSC soit reconduite

Le nouveau maïeur promettra à son prédécesseur que cela sera ainsi et tiendra parole en veillant à prendre comme échevins des élus PSC, dont Hubert Dradin fut à l'époque l'homme en vue du PSC local.

 

Pascalette, Hubert, Pierre et les autres

Pascalette Wigny, issue d'une lignée de "nobles", dont l'oncle Pierre, baron de son état, fut ministre de la Justice, député national puis européen et dont le père était le principal responsable de l'église de la place Saint Josse, de même que  Pierre Lammerant, le meilleur fleuriste de Saint Josse, feront pendant très longtemps partie du collège ten Noodois

 

John et Arnaud Cudell ont quitté ce bas monde.

 Françoise, elle, vit tranquillement sa retraite quelque part en Brabant wallon.

 

Dès le décès de leur père, les deux frères et la soeur ne tardèrent pas à revendre la belle résidence ten Noodoise de leurs parents, située Rue de la Pacification, à un tir d'arbalète de la Place Saint Saint Josse

 

La demeure a été acquise par une famille belgo -marocaine. 

 

Marthe

Dès son mariage avec le jeune Guy, Marthe donnera tout son temps et son énergie à soutenir la carrière de son mari.

 

Elle travaillera dans l'ombre puisque ce fut elle qui ouvrira le premier centre pour l'accueil des nourrissons de l'ONE au numéro 37 de la rue de la Poste  (un vaste rez de chaussée que le très socialiste Office de l'Enfance partagera avec l'organisation anti raciste fondée par Yvonne Jospa)

Ce fut là que j'ai fait sa connaissance au début des années septante du siècle écoulé lorsque je militais au MRAX.

Elle venait régulièrement avec Pascalette Winy et d'autres femmes aider les infirmières de l'ONE lors des permanences et distribuer des vêtements aux jeunes mamans qui fréquentaient ce centre.

 

L'homme d'action

Fin des années cinquante, en pleine guerre d'Algérie,  Cudell fera partie du réseau clandestin chargé d'exfiltrer les membres du FLN (Front de libération d'Algérie) dont la tête était mise à prix par les services secrets français et le groupe fasciste OAS.

 

 Ont constitué dès 1957, ce réseau belge, outre Guy Cudell, l'avocat et homme politique Serge Moureaux, l'avocat et président de la Ligue belge des droits de l'homme Marc De Cock, l'enseignant communiste Pierre Legrève, Georges Debunne président de la FGTB ainsi que de très nombreux militants politiques de gauche (trotskistes, membres du parti communiste belge,  syndicalistes, anciens rescapés juifs des camps de la mort nazis etc ...)

 

Quasi tous les membres de ce réseau qui prenaient la route pour rallier la France et tenter au risque de leur vie, de ramener dans des voitures quelconques, des militants algériens menacés de mort, portaient des armes

 

Documentaire Le Front du nord, réalisé par le journaliste belge de la RTBF Hugues Lepaige, résume à merveille l'histoire de ce réseau belge

 

 

En conclusion, la vie de Guy Cudell est unique et sans nulle pareille. C'est un long fleuve tumultueux. 

 

Il fut, malgré ses frasques (il adorait les belles femmes) un homme de principes, un antiraciste convaincu (le MRAX fut fondé dans la salle du Conseil communal de Saint Josse en 1969 avant de déménager à la rue de la Poste), un anti colonialiste sans répit ni concession, un féministe avant le féminisme (Ce fut lui qui introduisit les premières femmes au sein de la police en Belgique et autorisa les jeunes filles des écoles ten Noodoises à enlever le caleçon et le remplacer par le maillot de bain lors de leur visite à la piscine communale), un homme d'une grande culture multi disciplinaire

 

La "trahison" du fils

 

 

Son entêtement à vouloir mourir en étant bourgmestre fut causé par ce qu'il considérait, à tort ou à raison, comme une grande trahison de Jean Demannez, son poulain à qui il avait promis fin des années 1970, de lui céder le maïorat en 1988.

 

Son erreur fut de quitter la commune de Saint Josse après les communales de 1976 pour occuper moult fonctions ministérielles

 

Pour pouvoir se consacrer à ses nouvelles fonctions, il avait chargé Jean Demannez d'occuper la fonction de bourgmestre

 

Lorsqu'il récupéra la maïorat à la veille du scrutin de 1982, pour préparer la campagne des communales, Cudell s'aperçut que la Ligue ouvrière avait changé d'allégeance et pris, en grande partie,  fait et cause pour Jean Demannez

 

La division de cette section entre pro Cudell et partisans de Demannez aboutira à des résultats catastrophiques pour la liste PS de Saint Josse

 

Le fossé ne fera que s'approfondir entre les deux hommes qu'une animosité allant crescendo alla opposer jusqu'au décès du maïeur Cudell

 

Face à cette situation et à l'affaiblissement du PS ten Noodois, Cudell, au grand étonnement de beaucoup de démocrates fera des concessions à l'extrême droite représentée à cette époque par le parti extrémiste UDRT (Union démocratique pour le respect du Travail).

 

La liste de ce parti conduite par un certain Jean Pierre Gorp, qui rejoindra plus tard le bourgmestre schaerbeekois Roger Nols, obtiendra quatre sièges à Saint Josse

 

Elle fut appuyée par une autre liste locale, animée par un commerçant de la chaussée de Louvain  franchement xénophobe qui décrocha de son coté pas moins de 3 sièges

 

  Contraint de "mettre de l'eau dans son vin" Cudell accepta d'appliquer les dispositions de la la loi Gol (1984) autorisant les communes bruxelloises à refuser l'inscription de certaines catégories d'étrangers, au grand dam d'organisations anti racistes bruxelloises dont le MRAX et la Ligue des droits de l'homme

 

Cudell dut à cette occasion embarquer au sein de sa majorité FDF, PRL et PSC

 

 

 

Ci gît Guy Cudell