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Un demi siècle d'existence ...pour rien ?!
1- Genèse.
La période saoudienne
On l'a dit, écrit, répété et ressassée à satiété : les musulmans de la première génération de Belgique n'ont jamais émis une quelconque demande pour la mise en place d'un tel organe.
Tout simplement, parce qu'en 1967, lorsque le roi Fayçal d'Arabie saoudite en visite en Belgique, avait obtenu de son homologue belge feu le souverain Baudouin Ier, les clés du bâtiment qui alla devenir le Centre islamique et culturel de Belgique (Le pavillon oriental de l'exposition internationale de Bruxelles - 1897 ), les immigrés marocains et turcs n'avaient qu'un seul et unique rêve: trimer dur pour ramasser un pactole susceptible de leur permettre un rapide retour définitif au pays d'origine afin d'investir leurs économies ainsi épargnées dans un petit projet agricole, artisanal ou commercial.
L'embargo arabe sur le pétrole décidé en 1973 par les principaux états fournisseurs de l'or noir vers l'Europe et les pays industrialisés identifiés comme soutiens de l'Etat d'Israël, encouragea les autorités belges à faire les doux yeux à l'Arabie saoudite:
En 1968, le gouvernement belge offre le « pavillon oriental » du parc du Cinquantenaire à Bruxelles, au roi Fayçal d'Arabie
Ce pavillon sera converti en mosquée lorsque l'État belge reconnut le temporel du culte islamique en Belgique en juillet 1974
En mai 1978, le roi Khaled d'Arabie séjourne en Belgique pour, entre autres, promouvoir l’importance du centre islamique qui obtint cette même année par le biais du Pacte scolaire, des subventions lui permettant de rémunérer six cents enseignants de religion islamique dans le primaire et le secondaire.
A cette époque, les immigrés turcs et marocains s'estimaient toujours en transit dans le plat pays et nourrissaient encore le mythe d'un retour définitif à leurs pays d'origine.
Le gros du financement pour la gestion de ce Centre provenait du ministre des Affaires religieuses d'Arabie saoudite, de subventions accordées par l'Etat belge et de quelques rawettes avancées par le Collège des ambassadeurs de nombreux états arabes.
Ces ambassadeurs qui formaient le Conseil de gestion de ce Centre étaient associés au projet de la reconnaissance du temporel du culte islamique par les autorités belges
Chargé de la gestion de ce centre, La Ligue islamique mondiale, bras armé du wahabisme saoudien à travers le monde, laissait un espace de liberté non négligeable au directeur du Centre, l'imam tunisien Mohammed El Alouini
Ce fut cet imam directeur qui prit en charge le placement d'enseignants de religion islamique dans les établissements scolaires belges conformément à l'accord ad hoc passé avec les autorités de notre pays.
Des aumôniers musulmans dans les prisons belges pouvaient être également désignés afin d'apporter réconfort et conseils aux détenus musulmans dont le nombre était à cette époque, très restreint.
Durant la direction de ce centre par cet imam directeur tunisien très ouvert et moderniste, les rapports entre les autorités belges et la mosquée du Cinquantenaire furent paisibles et sereines.
En évoquant brièvement l'histoire récente du Centre islamique et Culturel de Belgique, je me dois de rendre justice et un hommage appuyé à cet homme de grande valeur intellectuelle et morale que fut Monsieur El Alouini dont la présence à la direction du Centre islamique fut empreinte de sagesse et d'une ouverture d'esprit sans nulle pareille.
Feu Cheikh Mohammed El Alouini, premier imam directeur du Centre islamique de Belgique 1967 - 1986. Enseignant de la langue arabe et formateur à l'école normale de Tunis
Originaire et même natif de la ville de Kairaouane, El Alouini qui fut le premier imam ayant inauguré l'ouverture de la Grande mosquée du Cinquantenaire à Bruxelles était une personnalité moderniste
Dès son plus jeune âge, il reçut une instruction islamique à l'école primaire coranique de cette ville.
A l'âge de 19 ans, il intégra la mosquée de la Zaytouna où il poursuivit ses études de théologie.
En parallèle, il étudia à la Khaldouniya (première école moderne de Tunisie fondée en 1896 à Tunis) où il obtiendra son baccalauréat
Il termina ses études à la Zaytouna en 1952 dans un pays encore sous protectorat français mais en grande ébullition anticoloniale sous la direction de feu Habib Bourguiba
Il y décrochera le très prestigieux titre Al Alamiya - nous sommes évidemment aux antipodes de l'islam wahabite obtus et obscurantiste -
Al Alamiya était le plus haut grade théologique délivré par les écoles théologiques tunisiennes à cette époque
La nomination de Cheikh Al Alouini pour diriger le Centre islamique de Belgique (de 1967 à 1986 ) fut le résultat d'un consensus très large obtenu au sein du Conseil d'administration de ce centre. Lequel C.A fut une instance composée de nombreux ambassadeurs d'états arabes en fonction à Bruxelles.
Avant sa nomination à la tête du Centre islamique, Cheikh El Alouini fut conseiller à l'ambassade de la République tunisienne en Belgique
Sa nomination à cette fonction dès le début des discussions ayant présidé à la reconnaissance du temporel du culte islamique contribua largement au succès des démarches complexes ayant conduit à la création du Centre islamique et culturel de Belgique
Il lui incomba la délicate tache d'élaborer la feuille de route ayant abouti à cette reconnaissance et à l'ouverture du Centre islamique
Plus tard, il désignera avec l'assentiment de tous les ambassadeurs arabes en poste à Bruxelles, un architecte tunisien du nom de Boubaker Mongi, qui prendra en charge tous les travaux de rénovation et de remise en état du bâtiment devant accueillir les institutions chargées de la gestion du temporel du culte islamique
C'est dire le rôle très important que joua la Tunisie, soutenue par le Maroc et la Mauritanie, dans la création du Centre islamique et de la Grande mosquée
Tout ce que le Cheikh El Alouini demandait aux autorités belges à cette époque était accepté.
La dérogation - one shot - de l'octroi de la nationalité belge à des centaines d'enseignants de religion islamique , - dont des dizaines d'étudiants marocains et tunisiens - marxistes léninistes ou trotskystes - arrivés au terme de leur cursus - fut la réalisation la plus éclatante accomplie par ce brillant imam
Tensions et rupture des relations entre l'état belge et la Ligue islamique mondiale.
Bien que très présente dans la gestion et le fonctionnement du Centre islamique du Cinquantenaire, l'Arabie saoudite, par le truchement de sa Ligue islamique mondiale, laissait énormément de liberté à l'imam El Alouini tant pour ce qui se rapportait à la gestion de son personnel enseignant et administratif que pour les rapports que le directeur du Centre, parfaitement francophone et de surcroît francophile, entretenait avec les autorités belges
L'Arabie saoudite se radicalise
Dès l'avènement de l'année 1979 qui fut celle de la prise du pouvoir en Iran par la République islamique et de la volonté de ce pays révolutionnaire d'exporter les enseignements de l'ayatollah Khomeyni dans les quatre coins de la planète, les dirigeants saoudiens se cabrèrent
Les années s'écoulant, les autorités saoudiennes devinrent plus nerveuses.
Au début des années 1980, la Ligue islamique mondiale qui avait la haute main sur le centre islamique belge, s'employa à restreindre la large marge de manœuvre dont bénéficiait l'imam El Alouini.
Cette Ligue exigea des enseignants de religion islamique dépendant administrativement du Centre islamique, d'effectuer de longs séjours en Arabie saoudite pour approfondir leurs connaissances de l'"islam authentique" tel que promu par le wahabisme saoudien.
Les agents saoudiens présents dans ce centre intimèrent aux enseignants l'injonction de faire la promotion du port du hijab dans les écoles de leur affectation
Une cellule ayant pour mission de favoriser les conversions à l'islam fut créée au sein du centre avec à sa tête un imam marocain - Mustapha Kastit - pour ne pas le nommer.
A droite, Mustapha Kastit raconte son long séjour en Arabie saoudite. Edifiant
Formé durant de nombreuses années en Arabie saoudite, Kastit fera et fait encore à ce jour, la promotion d'un Islam rigoureux et fermé à la mixité filles - garçons et bannissant la musique et la danse.
A ces événements, vint s'ajouter la création à Bruxelles, à l'initiative du centre islamique de l'école islamique Al Ghazali
Il n'en fallait pas davantage pour que le torchon brulât entre l'imam directeur El Alouini et les représentants de la Ligue islamique mondiale.
Marqué au short, El Alouini finit par jeter l'éponge.
Il sera remplacé par un imam saoudien, Abdullah Al Ahdal, qui sera abattu par balles, en face de la Grande mosquée du Cinquantenaire, le 29 mars 1989
2- Entrée en lice des autorités belges
Face à cette dérive radicale des responsables du Centre islamique, les autorités belges décident de se distancer de cette instance et se mettent à la recherche d'un substitut au Centre islamique saoudien
La rupture entre les deux partenaires est consommée en 1987, lorsque le gouvernement belge enleva au Centre islamique la mission consistant à être son interlocuteur en matière de gestion du temporel du culte islamique.
Ce gouvernement créa en 1989, une instance appelée LE COMMISSARIAT ROYAL A LA POLITIQUE DES IMMIGRÉS (C.R.P.I) et le chargea de lui fournir des pistes susceptibles de favoriser une meilleure intégration des populations d'origine étrangère.
En réalité, par la mise en place de cet organisme national placé sous la tutelle directe du premier ministre, le gouvernement belge cherchait surtout des réponses aux problèmes que traversait à cette époque le dossier lié à la gestion de l'islam en Belgique.
Dans un épais rapport réalisé par le CRPI, cet organisme proposa au gouvernement belge de procéder à des élections générales au sein des communautés musulmanes de Belgique afin de dégager un Organe chargé de la gestion du temporel du culte islamique.
Les élections "bien" encadrées par le CRPI débouchèrent sur l'émergence d'une instance composée de 67 personnes, qui désigna parmi ses membres un organe Exécutif comprenant 17 élus
Rapidement reconnu par les pouvoirs publics comme interlocuteur après mise à l'écart par la Sûreté de l'état de certains de ses membres jugés radicaux, l'Exécutif des musulmans de Belgique se met au travail.
L'erreur originelle
Se limiter à mettre en place un Organe chef du culte islamique disposant de missions purement techniques et de gestion administrative ne correspondait nullement aux attentes des pouvoirs publics soucieux de juguler les velléités communautaristes et de repli sur soit.
En effet, l'Organe né des élections musulmanes n'avait aucune prérogative visant la lutte contre la radicalisation et le repli identitaire.
Alors que la classe politique le voulait actif voire offensif contre la montée des dérives communautaristes et de repli, l'Exécutif devait se limiter à proposer la désignation des enseignants et des aumôniers, à aider les mosquées dans les démarches visant à leur reconnaissance.
Limité à ce rôle administratif, L'EMB ne pouvait et ne peut à ce jour s'impliquer dans le fonctionnement interne des mosquées et des associations islamiques de Belgique ou imposer un programme d'enseignement aux centaines de professeurs de religion islamique
L'absence d'un tel programme unifié a fait et fait toujours que chaque enseignant de religion islamique pond son propre programme et le promeut en roue libre en dehors de tout contrôle ou supervision, suivant son obédience
L'indépendance des centaines des lieux de culte vis à vis de l'Exécutif des Musulmans de Belgique - organe gestionnaire du temporel du culte - n'autorise pas cette instance à interférer dans le contenu des prêches prononcés dans les mosquées ou celui des cours donnés au sein des écoles coraniques promues par ces mêmes lieux du culte.
Recommandations au futur gouvernement fédéral
Dans sa réflexion et son action future visant la reconnaissance d'un Organe chef du culte islamique, le futur exécutif fédéral qui sera mis en place devra se pencher sur l'indispensable redéfinition des missions de cet organe représentatif de l'islam de Belgique
En ce sens que les actuelles missions de l'Exécutif des Musulmans de Belgique doivent impérativement être élargies à la supervision et au contrôle des prêches émis au sein des mosquées, aux contenus des cours donnés aux enfants dans les écoles coraniques et à l'élaboration d'un programme unifié à mettre entre les mains des enseignants de religion islamique.
L'élargissement de ces missions doit concerner aussi la nécessaire mise en place sous la houlette de l'Organe chef du culte islamique, d'un observatoire des radicalismes chargé de pister les activités des individus et des groupes radicalisés et de cerner leurs sources de financement et de soutien politique et idéologique
Sans ces réformes, nous continuerons à tourner en rond.
La Belgique est composée de plusieurs populations dont la population musulmane dont une partie (à mon avis 50%) entre largement instruite (universitaire). Il faut les inclure dans la vie sociale belge et leurs donner la.parole.
RépondreSupprimerL'inclusion et l'implication ne viendra pas du statut de musulmans. Les 300 mosquées de Belgique et les dizaines d'associations islamiques n'ont jamais eu un rôle à jouer dans la dynamique d'inclusion.
SupprimerLes personnes se proclamant de l'islam qui ont réussi leur parcours citoyen et professionnel en Belgique ont pu le faire grâce aux efforts de leurs parents et de l'apporte de certains de leurs amis et pas grâce à une institution à caractère religieux.
Aucune mosquée en Belgique n'a à ma connaissance, offert une bourse d'étude ou de recherche à un jeune belge de confession musulmane.
Croire le contraire s'apparente a un mythe, voire une chimère