La polémique enfle autour de Charlie Hebdo
Delfeil De ton
de son vrai nom Henri Roussel, né à Colombes (aujourd'hui Hauts-de-Seine) le 23 avril 1934 (80 ans), est un journaliste de la presse écrite française.
de son vrai nom Henri Roussel, né à Colombes (aujourd'hui Hauts-de-Seine) le 23 avril 1934 (80 ans), est un journaliste de la presse écrite française.
Il est l'un des premiers rédacteurs de Hara-Kiri et de
Hara-Kiri Hebdo (qui deviendra par la suite Charlie Hebdo). Depuis 1975, il est
collaborateur de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Sous le titre « Les
lundis de Delfeil de Ton », page créée dans Hara-Kiri Hebdo en 1969, il traite
de l'actualité et des faits de société.
Source: Le Monde.fr | Ariane Chemin
« Je t’en veux vraiment, Charb. »
Six petits mots dans le
numéro de L’Obs du 14 janvier ont suffi pour plonger la famille de Charlie
Hebdo dans l’une de ces violentes querelles qui agitent l’hebdomadaire
satirique depuis l’affaire des caricatures de Mahomet, il y a bientôt huit ans.
« Je sais, ça ne se fait pas », écrit Delfeil de Ton à la
fin d’un long article consacré à l’aventure de Charlie et en s’adressant à son
« chef », exécuté le mercredi 7 janvier avec onze autres personnes.
Evoquant un
« gars épatant », mais « tête de lard », Delfeil reproche à Charb d’avoir mené
sa rédaction à la mort. Un procès qui a fait bondir Richard Malka, avocat du
journal satirique depuis vingt-deux ans, et beaucoup d’autres.
Delfeil de Ton, 80 ans, chroniqueur à L’Obs depuis 1975, est
un des fondateurs de Charlie Hebdo.
Il était déjà des aventures de Hara-Kiri,
puis de Hara-Kiri Hebdo, avant de participer à la création du « premier »
Charlie, en 1970, puis du « deuxième », en 1992.
Il s’en était allé au bout de
quatre mois – « je m’ennuyais à mourir avec Philippe Val », le nouveau patron,
racontait-il à l’époque.
Pour son numéro spécial consacré à la tragédie de
Charlie Hebdo, le directeur de la rédaction de L’Obs, Matthieu Croissandeau, a donc
demandé à son collaborateur de raconter aux lecteurs ses souvenirs sur deux
pages.
Delfeil de Ton ressuscite ses souvenirs, croque ses amis,
puis en vient à ce numéro de Charia Hebdo, que Charb avait décidé de publier,
avec les caricatures de Mahomet, en novembre 2011.
« Quel besoin a-t-il eu
d’entraîner l’équipe dans la surenchère ? », accuse Delfeil.
Peu après la
sortie du numéro, les locaux de Charlie sont incendiés.
Delfeil rappelle ce que
son ami Wolinski, même âge que lui, en disait à l’époque : « Je crois que nous
sommes des inconscients et des imbéciles qui avons pris un risque inutile.
C’est tout. On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines
d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se
retourne contre nous.
Il fallait pas le faire. » Ni recommencer, estime Delfeil
: « Il fallait pas le faire, mais Charb l’a refait, un an plus tard, en
septembre 2012. »
Ce n’est pas la première fois que Delfeil crée la polémique
en consacrant sa chronique à Charlie.
C’était à l’été 2008, lors d’une autre
querelle qui avait largement dépassé les frontières de la rédaction de L’Obs et
les troupes de Charlie.
Après la publication d’un article du dessinateur Siné
sur le mariage du fils de Nicolas Sarkozy, que Philippe Val avait jugé
antisémite, le directeur de l’hebdomadaire avait décidé de licencier le
dessinateur (Siné a depuis fait condamner Charlie pour préjudice moral et financier,
et obtenu en appel 90 000 euros de réparations).
« Papier polémique et fielleux »
Déjà, comme si chacun pressentait qu’une autre partie, plus
vaste, se jouait par-delà du sort d’une chronique et de dessins, une violente
polémique s’était engagée, divisant la rédaction de Charlie, les partis de
gauche, et jusqu’aux intellectuels.
Le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel avait
pris le parti de Philippe Val, comme Bernard-Henri Lévy, Elisabeth et Robert
Badinter, Pierre Lescure, Elisabeth Roudinesco, SOS Racisme et d’autres.
En
défense de Siné, des dessinateurs comme Rémi Malingrey et Lefred Thouron et, au
sein de la rédaction, Cavanna (qui évoquait en 2011 l’affaire dans son dernier
livre, Lune de miel), Willem, Tignous, ou des journalistes comme Michel Polac
et Sylvie Caster.
Mais aussi, dans les colonnes du Nouvel Observateur, Delfeil
de Ton, qui accuse depuis longtemps Val d’entraîner Charlie dans un combat
sionisto-islamophobe.
Avocat de Charlie depuis vingt-deux ans, Richard Malka a
envoyé mercredi un texto scandalisé à Matthieu Pigasse, l’un des actionnaires
de L’Obs (et du Monde), qu’il connaît bien.
« Charb n’est pas encore enterré
que L’Obs ne trouve rien de mieux à faire que de publier sur lui un papier
polémique et fielleux, s’indigne M. Malka.
Sur le plateau du “Grand Journal”,
l’autre jour, le directeur de L’Obs, Matthieu Croissandeau n’avait pas de
larmes assez chaudes pour dire qu’il continuerait le combat.
Je ne pensais pas
qu’il le ferait de cette manière. Je refuse de me laisser envahir par de
mauvaises pensées, mais ma déception est immense. »
D’autres estiment que Delfeil a tort de ressusciter des
propos anciens de Wolinski, « alors que “Wolin” est toujours resté fidèle à
Charb, et se rendait toutes les semaines au journal ».
« Il s’agit d’une
chronique, répond calmement Matthieu Croissandeau.
Nous avons reçu ce texte,
et, après débat, j’ai décidé de le publier ; dans un numéro sur la liberté
d’expression, il m’aurait semblé gênant de censurer une voix, quand bien même
elle serait discordante.
D’autant qu’il s’agit de la voix d’un des pionniers de
cette bande. »
Delfeil, lui, refuse d’en dire davantage. « J’ai refusé de
parler aux télés, aux radios, à tout le monde.
J’ai gardé mon témoignage pour
L’Obs, qui l’a d’ailleurs mal titré, et je ne suis pas près de l’ouvrir à
nouveau sur le sujet. »
Il précise seulement, en ne citant qu’un nom et en
pesant chacun de ses mots : « Jeudi, j’irai aux obsèques de Wolinski. »
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