..., parcours de deux khoubzistes molenbeekois
L'"œuvre" de Philippe Moureaux
En 2004, j'animais une émission politique dominicale sur radio Al Manar.
A une année du scrutin communal de 2006, j'avais pris l'option d'inviter tous les bourgmestres bruxellois, l'un après l'autre, pour faire le point avec chacun d'eux, sur l'état d'avancement de la dynamique de la participation citoyenne et politique des allochtones
Je reçus dans le désordre alphabétique - les agendas des uns et des autres ne permettaient pas de faire un tir groupé -, Riguelle le Berchemois, Clerfayt le Schaerbeekois, Doyen le Jettois, feu Simonet l'Anderlechtois, Demannez le Ten Noodois, Vervoort l'Everois, Pivin le Coekelbergeois, Philippe Moureaux et bien d'autres comme Cerexhe le Woluwéen ou encore le défunt Freddy Thielemans le brusseleir.
Demannez avait à cette époque fort à faire pour maintenir les membres de la Ligue ouvrière dans son giron, vu qu'un jeune turc aux dents longues faisait tout pour recruter à tour de bras ses compatriotes d'Anatolie afin de bourrer plus tard, les urnes du PS local par les votes de ses fidèles.
Mais cela est une autre histoire.
Je dois dire que je me suis fort bien amusé en compagnie de ces maïeurs, amusé et enrichi par les informations qu'ils me communiquaient
Le plus dur à cuir fut Jacques Simonet qui me permit très rarement d'en placer "un".
Il tint le crachoir durant les 90 minutes de l'émission que je lui avais consacrée.
Joel Riguelle fut quasi forcé par les auditeurs d'exécuter un sketch bruxelleir en direct...avant d'entrer dans le vif du sujet.
Le plus constipé de tous ces édiles fut sans conteste, le bourgmestre de Schaerbeek d'alors.
Ses demies réponses et ses non réponses à mes questions finirent par énerver nombre d'auditeurs ayant suivi mon entretien avec le fils de Georges.
Dieu et faiseur de "rois"
Mais je dois reconnaître que l'entretien qui cartonna le plus fut celui que j'eus avec Philippe Moureaux.
Je ne vais pas m'étendre sur l'ensemble des sujets abordés avec lui, car cela serait fastidieux et nécessiterait un bouquin tout entier. (je vous annonce d'ailleurs que je suis sérieusement occupé à rédiger un ouvrage de mes mémoires en tant que "Bruxellois, non peut être"!)
Rien ni personne au sein de la Fédération bruxelloise du PS ne tenait tête à Philippe Moureaux.
Il était Dieu et faiseur des rois sur le plan institutionnel à Bruxelles.
Et bien que n'ayant physiquement aucune présence au sein des institutions régionales de la Capitale ou en communauté française, rien ne se négociait ni ne se decidait sans lui.
N'était il d'ailleurs pas l'un des pères fondateurs de cette région lorsqu'il fut ministre des Affaires institutionnelles au Fédéral ?
Ce fut là qu'il apposa son empreinte sur quasi tous les accords ayant abouti aux diverses réformes de l'état belge.
Et Moureaux créa Ridouan
Concernant les affaires plutôt locales du PS, Moureaux disposait d'une imagination hors pair.
Tenez, par exemple, pour finir par placer le fils de Chahid Mohammadi au maïorat d'Evère, Philippe commença par "ordonner" en 2012 à Vervoort d'occuper la vice - présidence de la Fédération bruxelloise du parti de la rose.
Ce fut à cette même époque que sorti d'un grand néant, le rejeton de Chahid fut parachuté chez Onkelinkx comme attaché de cabinet.
Le père Chahid était conscient que lancer son fils au milieu de la meute PS "arabo - amazigh" de Molenbeek, meute qui avait déjà et depuis belle heurette investi l'entourage de Moureaux, c'était comme jeter un lapin en pâture à une bande d'hyènes.
Et donc, il fit les doux yeux à Moureaux pour, au nom de l'amitié et des combines qui liaient les deux hommes, propulser le fiston dans l'administration pour y faire carrière
Cependant, le rejeton ne voyait pas les choses de cette manière: il voulait "faire de la politique représentative".
Tout comme les dizaines d'incultes ou d'animateurs de plaines communales et autres colleurs d'affiches, pour qui l'ascenseur social avait oublié de marquer une halte, qui se bousculèrent au portillon du PS pour siéger comme conseillers communaux ou si affinités avec les grands chefs blancs du parti, comme députés régionaux.
Le père Chahid voulant prendre sa revanche sur ceux qui avaient fréquenté un peu l'école, jura que son fils devra être l'instrument de cette vengeance
Et hop, direction Evere en vitesse de croisière et présence de Ridouan sur la liste conduite par Rudi Vervoort
D'obscur 5 ème suppléant, l'illustre inconnu Chahid, réussit à massacrer les quatre suppléants qui le précédaient à l'issue du scrutin, pour figurer comme membre effectif du conseil communal.
Ces suppléants qui, comme des soldats de plomb, n'opposèrent aucune résistance, devaient céder la place au protégé de Moureaux qui émargera sans perdre de temps à un échevinat au sein du Collège Everois.
Toute l'opération qui se déroula dans une discrétion digne des préparatifs de putschs dans des républiques bananières, ne dura pas plus d'une année
Sans perdre une minute, Ridouane enchaîne les mandats puisqu'en 2014, il est député régional bruxellois et Vice président du Conseil d'administration de la Stib.
Moureaux et le père Chahid se devaient de prendre tous les élus du PS de vitesse pour fabriquer de toutes pièces un mandataire sans passé militant, sans apport marquant pour Bruxelles et le PS et surtout sans relief.
Un vrai cas de mosquée
Evere, cette commune tranquille et prospère où le PS régne depuis des lustres quasi sans partage, était la commune la plus indiquée.
Surtout que dès son arrivée dans cette municipalité, Chahid prit un abonnement à la mosquée Attaouba, sise Place de la paix, où il ne ratait aucune des prières du vendredi sans compter les Tarawihs nocturnes du Ramadan
Il installa même une antenne sociale auprès de ce lieu de culte pour se pencher sur les problèmes des fidèles musulmans.
A l'arrivee de Chahid à Evere, la mosquée Attaouba venait de voir son imam incarceré pour des faits de radicalisme et de promotion des discours jihadistes..
Cette mosquée que Rudi Vervoort avait placée sous surveillance policière rapprochée, connut de nombreux incidents violents comme l'attaque à main armée de son secrétaire général.
Cinq balles de révolver lui furent logées dans la caisse, par un motard masqué.
En manque de base électorale, Chahid s'y engouffra dès son arrivée à Evere. Il s'engagea même à faire partie du comité dirigeant de ce lieu de culte
L'avenir dira si cette proximité du bourgmestre d'Evere sera bénéfique pour les deux parties ou si Chahid regrettera ce mélange des genres
Venons en à Ikazban
Moureaux que j'avais interviewé en 2004, au sujet de l'évolution de la dynamique participative et citoyenne et surtout de l'arrivée de plus en plus importante des élus d'origine étrangère sur les bancs des conseils communaux, m'avait paru moyennement enthousiaste face à l'ampleur du phénomène tout en nuançant les motivations des uns et des autres, comme il le dit si clairement dans la vidéo ci - dessus (début de l'article)
A la question de savoir si plus tard, après son départ, il verrait d'un bon oeil l'arrivée d'un élu issu de la diversité au maïorat de Molenbeek, le bourgmestre - sénateur fut catégorique, disant en substance, que c'est une éventualité qu'il n'envisage pas d'encourager et ce pour plusieurs raisons, dont le nombre de Belges de souche qui est de loin plus important que celui des allochtones résidant sur le territoire communal, ajoutant que ce cas de figure serait de nature à davantage cristalliser les clivages entre Belges de souche et nouvelles populations ayant acquis la nationalité belge.
Jamal Ikazban est selon moi, le Molenbeekois issu de la communauté marocaine qui tire plus que tous les autres mandataires allochtones khoubzistes, une certaine légitimité par une présence sur le terrain bien plus ancienne que celle de tous les autres élus du PS molenbeekois.
A 15 ans déjà, il s'investit comme animateur et travailleur social, à Molenbeek-Saint-Jean.
Il œuvre au sein d'associations qui favorisent le dialogue entre les diverses communautés, et qui luttent contre l'exclusion sociale.
En 1992, déniché par Moureaux, il devient un soutien de taille pour le Bourgmestre pour ce qui concernait la création et la gestion de la Cellule de Lutte contre l'Exclusion Sociale (CLES) ainsi qu'à la création du dispositif d'animation socio-sportif dans les quartiers.
En 1999, il devint membre du Bureau du Parti socialiste.
En 2004, il intègre le cabinet du ministre des Sports en Région de Bruxelles-Capitale, Emir Kir. Les deux hommes sont toujours proches l'un de l'autre.
Pour beaucoup d'observateurs politiques bruxellois qui ont suivi le parcours d'Ikazban, fidèle à Philippe Moureaux, il coulait de source que Jamal était le successeur tout désigné du maïeur à la tête de la commune.
Cette possibilité devenant plus pertinente après la défaite du PS en 2012 et la chute de son chef de file.
Tous au sein du PS molenbeekois, amis comme adversaires d'Ikazban, s'accordaient pour entériner comme acquise cette succession
Lui même mit à profit la traversée du désert de la section PS de Molenbeek et la fatigue du chef Moureaux, pour travailler la base du parti en vue de son accession au maïorat.
Aucun concurrent ne se profilait à l'horizon de 2018 pour barrer la route à Ikazban dans son projet maïoral.
Et puis "Bardaf!". C'était sans compter avec l'engagement pris par le vieux briscard Moureaux, chez moi à radio Al Manar, de ne pas favoriser l'arrivée d'un Marocain à la tête d'une commune bruxelloise.
Avant qu'elle n'opta pour Scharbeek, le père Moureaux avait envisagé en toute discrétion de convaincre Onkelinkx de choisir Molenbeek comme point de chute afin de diriger les affaires molenbeekoises. La Lasnoise refusa.
Il fit de même en direction de Jean Cornil, ancien directeur du Centre pour l'égalité des chances. Celui - ci, connaissant la réalité du PS molenbeekois, refusa gentiment l'offre.
En désespoir de cause, Moureaux abattra sa carte maitresse: livrer le PS à sa fille Catherine, inconnue au bataillon du PS 1080.
Perdue au sein d'une section PS de Schaerbeek en déconfiture suite au désastre provoquée en son sein par Laurette, Catherine Moureaux était invisible sur la scène bruxelloise.
Un peu plus d'une année après la naissance de l'idée lumineuse et diabolique dans le cerveau de Philippe Moureaux, Catherine débarque à Molenbeek, au grand dam de Jamal Ikazban.
Un Jamal qui avait mis à profit la présence du PS dans l'opposition pour faire feu de tout bois: il était de toutes les manifestations pro palestiniennes, il créa même une association pour l'organisation du pèlerinage de Gembloux en hommage aux soldats marocains morts en 1940, provoquant une polémique avec le tissu associatif bruxellois qui lui, avait depuis longtemps fondé une coordination ayant le même objectif.
Il s'afficha lors d'une manifestation de protestation contre l'agression de Gaza par Israël, en arborant le signe des Frères musulmans.
Certaines de ses déclarations plutôt limites, provoquèrent beaucoup de réactions outrées à Bruxelles, comme lorsqu'il avait qualifié Claude Moniquet d'"ordure sioniste".
C'est qu'il fallait ratisser large au sein de l'électorat musulman de Bruxelles, durant les années de vaches maigres que traversait le PS molenbeekois dans l'opposition.
Lorsque Moureaux annonça aux troupes soumises de sa section que sa fille allait prendre les destinées du PS local et conduire la liste de ce parti aux communales de 2018, Ikazban comprit que son rêve de briguer le maiorat était brisé à jamais.
Il n'ouvrira pas la bouche lors de la réunion convoquée par Philippe Moureaux lorsque le patron appellera à un vote à main levée - pour que Dieu puisse reconnaître les siens - en faveur de sa succession par sa fille.
"Nous sommes tous derrière Catherine" dira publiquement Jamal".
Pouvait il agir différemment, lui dont une pléthore des membres de sa famille occupe des logements sociaux ou sont employés dans divers services communaux
Il vient avant hier de recevoir de la part de Catherine Moureaux le coup de massue qui compromettra pour toujours ses desseins molenbeekois.
Sorti comme un délinquant de la fonction de porte voix du PS molenbeekois, Ikazban dispose t - il des aptitudes politiques et intellectuelles pour rebondir?
Spectacle cocasse à Molenbeek que celui de deux "leaders" arabes mis sur la touche (El Khannouss et Ikazban) face à deux blondes aux yeux bleus, l'une se prétendant libérale et l'autre socialiste. Mais toutes deux laïques.
Reprendra t il les mots écrits par l'employeur d'Omar Reddad : "Les Moureaux m'ont tué"?
Prochain article: le cas Azaoum
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