mardi 13 mai 2025

Mohammed Boukantar

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...nous a quittés !

 



La vague des exilés volontaires


A l'instar de la plupart des militants progressistes marocains ayant rallié la Belgique fin des années 1960, Mohammed Boukantar montrait une grande réticence à demander la nationalité belge.

De fait, comme ses camarades émargeant aux diverses structures de la gauche marocaine présents en Belgique, Mohammed Boukantar estimait que le combat prioritaire se situait aux côtés des démocrates marocains de l'intérieur qui faisaient face aux années de plomb et de cendres.

De nombreux réfugiés qui s'étaient imposé l'exil, de même que des étudiants marocains ayant fui les vagues des répressions qui avaient décimé les rangs de la gauche tant réformiste que celle s'étant radicalisée au contact des contestations révolutionnaires en Europe, avaient rejoints tant la France que la Belgique vers la fin des années 1960.

Ce fut dans ces circonstances que Mohammed Boukantar se lia d'amitié avec des opposants marocains au régime de feu Hassan II tels que Houcine El Manouzi ou Ahmed Oubari

Son amitié avec El Manouzi qui fut proche de la mouvance du Fqih Basri établi depuis 1965 en Lybie, ne l'a pas conduit sur le sentier de la lutte insurrectionnelle. 

Boukantar adhérait davantage au testament laissé par Mehdi Ben Barka (Option révolutionnaire)

Mehdi Ben Barka fut assassiné en octobre 1965 à Paris quelques mois après la boucherie du 23 mars de la même année, perpétrée par le général Oufkir

Ce fut avec Houcine El Manouzi et d'autres cadres marocains de gauche que Boukantar mit sur pied des cours d'alphabétisation en faveur des immigrés marocains et de leurs enfants, avec l'appui des deux grands syndicats belges (la CSC et la FGTB).

Estimant important d'apporter sa contribution à l'encadrement des immigrés marocains de Belgique et de leur progéniture, Mohammed Boukantar décida de donner de son temps libre, bénévolement, pour participer en tant qu'enseignant de la langue et de la culture marocaines

 

1973: Le combat des Clandestins


En 1973, et toujours coiffé de sa casquette syndicale, il s'engage dans le mouvement de solidarité avec les Sans Papiers.

Son expérience en tant que cadre syndical rompu à l'encadrement et à l'organisation, apporta beaucoup au combat des clandestins de cette époque qui avaient mené au finish plusieurs grèves de la faim revendicatives de leurs droits.

Grèves de la faim à l'issue desquelles, plus de 10.000 travailleurs sans papiers obtinrent collectivement leur régularisation.

 

Objectif 82

 

La même année, Mohammed Boukantar au même titre que les militants des sections arabes actifs dans les syndicats socialiste et chrétien, adhére au très large mouvement citoyen Objectif 82.

Lequel mouvement qui fut Initié par le MRAX ( Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie) et la Ligue belge des droits de l'homme, portait une seule revendication: arracher au monde politique, le droit de vote communal en faveur des immigrés en 1982.


    Nationalisme panarabe

 

Mohammed Boukantar cultivait une grande admiration pour les grands leaders nationalistes arabes tels Nasser, Kaddafi ou Saddam Hussein.

Mais son engagement sur le terrain était davantage dirigé vers le soutien à la cause palestinienne.

Dès le début des années 1970, il fera partie avec Albert Faust, président du Setca, (syndicat des employés et cadres émargeant à la FGTB) de l'une des premières organisations de solidarité avec les peuples arabes, la SRPPA (Association de solidarité avec la résistance palestinienne et les peuples arabes.)

Dans ce cadre, Boukantar ne tarira point d'efforts et fut de toutes les manifestations de solidarité avec la Palestine. Non seulement en tant que participant mais également comme élément mobilisateur.

 

Naturalisé sur le tard




Ce ne fut qu'en juin 2099, que Mohammed Boukantar, mis devant la réalité irréversible d'une présence permanente en Belgique des familles marocaines et d'un engouement des cadres marocains devenus belges pour l'implication politique représentative, qu'il décida de suivre le mouvement et de s'investir dans l'action participative

Il sera élu au niveau municipal et siègera comme conseiller communal à Bruxelles Ville durant trois législatures.

Il fut très proche de feue Carine Vyghen, du bourgmestre Hervé Brouhon et du maïeur Freddy Thielemens 

Avec le décès de Mohammed Boukantar, c'est aujourd'hui le départ de l'un des derniers témoins d'une époque d'engagements, d'abnégations et de don de soi sans contrepartie

Repose en paix Mohammed, ton souvenir restera présent parmi ceux qui t'ont connu ou côtoyé.


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Suite au décès de Mohammed Boukantar, le bourgmestre de Bruxelles - Ville a tenu, s'adressant aux conseillers communaux, à évoquer le souvenir du défunt dans les termes ci après:

 

"La vie passe de la joie à la tristesse, puisque j'ai le devoir de vous annoncer le décès d'un conseiller communal que beaucoup d'entre vous ont longtemps connu, à savoir M. Boukantar. 

Cela faisait longtemps qu'il était en maison de repos. 

Mohammed Boukantar, vous vous en souvenez, est quelqu'un qui a été, pendant plus de trois législatures, membre de ce Conseil et qui, déjà avant, présidait le Conseil des Bruxellois d'origine étrangère, pour que tous ces Bruxellois qui n'avaient pas le droit de vote obtiennent ce droit.

C'est quelque chose où il a toujours été très impliqué. Je l'ai toujours connu habitant le quartier Stalingrad. 

Il habitait rue Roger van der Weyden. Il était très actif aussi dans les radios locales, notamment radio Culture 3. 

Il a été longtemps un syndicaliste de la FGTB. Il était ouvrier dans l'industrie aéronautique. 

Il a marqué tous ceux qui l'ont connu dans les couloirs de l'hôtel de ville ou dans la salle du Conseil communal. Il est vrai qu'on l'avait un peu perdu de vue.

 Il est entré en maison de repos, un peu comme ces personnes qu'on a perdues pendant le Covid. 

Je pense que ce n'est pas le seul, et cela nous rappelle que le Covid nous a séparés d'une série de personnes.

Pour le Parti socialiste, c'était un compagnon de route de très longue date.

 Il avait commencé dans les années 1970 avec nous. Il a passé 18 ans dans ce Conseil communal et nous a quittés à l'âge de 79 ans. 

Si je dois résumer son action, c'est notamment son travail sur la diversité à Bruxelles. C'était son combat de tous les instants."




1 commentaire:

Free Saida Alami

 . ... libérez les détenus politiques au Maroc A nouveau arrêtée hier pour avoir dénoncé le despotisme et la corruption Fort de son alliance...