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Cachez ce Juif que je ne saurais "tolérer"
Lors de l'agression perpétrée par une foule déchaînée à Fez contre un jeune que certains avaient qualifié comme homosexuel, une voix venant de la foule s'était écrié: "Tuez le Juif, tuez le Juif"...
Ceci alors que personne n'avait évoqué la présence d'un Juif, au sein de cette foule et que personne n'avait décrit le "travesti- homo", comme étant de confession ou d'obédience juive.
Cela n'avait pas empêché un homme d'appeler au meurtre du Juif...
C'est que dans le subconscient populaire marocain et même au sein des couches instruites, le vocable de Juif peut être attribué à un homme ou une femme, estimés pour moins que rien par la foule.
Un traître, un voleur, un lâche, un fraudeur, j'en passe ...peut se voir affubler du qualificatif de Juif, sans que personne ne trouve rien à en redire.
Au Maroc, les Juifs ont de tout temps et encore aujourd'hui, possédé la réputation de "sorciers" de "magiciens", d'envoûteurs.
Ils passent même pour des maîtres en ces matières, des maîtres auprès de qui, les apprentis es magie de confession musulmane, ont souvent fait leurs classes.
Tuez le Juif équivaut à l'appel à tuer celui qui pollue la "pureté" de la communauté musulmane, qui la pervertit.
Celui qui introduit au sein de cette société, fatalement propre, les éléments qui la salissent, qui la souillent et la pervertissent.
"Hachak" ou "Dieu t'en préserve", entend on dire au Maroc, lorsque le mot Juif est évoqué.
Donc, le travelo ou homo de Fez ou supposé comme tel, ne peut être qu'un Juif déguisé ou pire encore, un musulman perverti par les Juifs.
En conséquence, l'appel à tuer le Juif, entendu à Fez est en fait un appel à tuer le Juif qui "habite" cet homo ou qui l'a perverti.
Curieusement, mais pas si curieusement que cela, rares, très rares furent les intellectuels et les hommes politiques marocains qui ont retenu l'appel au meurtre de ce "Juif".
L'ensemble de la classe politique marocaine, les islamistes au pouvoir en tête, ont retenu le seul aspect de cette affaire, lié à l'exercice de la justice populaire par une foule déchaînée contre cet "homo-travelo-juif".
Et lorsqu'il s'était révélé que ce jeune travesti n'était pas un homo, cette même classe politique a mis de l'eau dans son thé à la menthe pour n'exprimer in fine, que sa condamnation de l'exercice de la justice populaire.
Oublié donc le "Juif à tuer"...qui n'a jamais eu droit de cité parmi les bien pensants du Maroc "tolérant et fraternel".
A Fez, la foule déchaînée a failli massacrer un "Juif", déguisé en travesti -homo....
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L'un des rares intellectuels marocains à avoir fustigé le "meurtre de ce Juif", fut Karim Boukhari, rédacteur en chef du magazine Tel Quel
« Tuez le Juif ». Par Karim Boukhari
Ce fut entendu à Fez récemment
Dans le Maroc d’aujourd’hui, qui appelle à la tolérance, il ne faut pas hésiter à ranger l’antisémitisme parmi les plaies à soigner au plus vite.
Vous avez sans doute suivi l’histoire de ce jeune homme lynché par la foule à Fès. La vidéo qui relate les événements a fait le tour du monde. Elle a provoqué une vive émotion, une très grande indignation.
Parce que personne, à part la foule de Fès ce jour-là, ne comprend que l’on puisse s’acharner collectivement et sauvagement sur un inconnu simplement parce qu’il est homosexuel.
Dans cette histoire horrible, il y a pourtant un petit détail qui a peut-être échappé à votre vigilance.
Ce détail a été confirmé auprès de plusieurs témoins qui ont assisté au lynchage. Je vous le relate : au milieu de la foule, il y avait un homme, un meneur, qui chauffait les autres en répétant la même phrase : « Tuez le juif ! Tuez le juif ! »
Avant de donner l’assaut, avant que les coups ne pleuvent de nouveau, le meneur levait le bras au ciel et lançait son cri de ralliement : « Tuez le juif ! Tuez le juif ! ». Et les coups de s’abattre sur le corps du jeune homme déjà étendu par terre…
Excusez-moi de tirer sur la corde, mais la moralité de cette histoire est aussi simple que stupide et intolérable : frapper un homo c’est bien, mais frapper un juif homo c’est encore mieux. Comme de faire d’une pierre deux coups.
Quant à « tuer le juif », cela revient à tuer le mal, tout le mal (et l’homosexualité en est un). C’est légitime. C’est même un devoir. Tel était le message subliminal du meneur et il faut croire qu’il a trouvé des oreilles réceptives…
Maintenant je vous invite, si vous voulez bien, à tester votre capacité de résistance ou, disons, de tolérance. Imaginez que la scène ne se passe pas à Fès mais à Rome, Paris ou New York.
Imaginez que la foule, au moment de se déchaîner, crie au jeune Italien, Français ou Américain : « Mort à l’Arabe ! Mort à l’Arabe ! ». Quel serait votre sentiment ? Que penseriez-vous de ces foules ? De ces peuples ? De ces pays ?
Bien évidemment, on va nous dire que ces actes barbares sont isolés et qu’il ne faudrait surtout pas généraliser. Isolés, vraiment ?
Celui qui croit que de pareilles ignominies sont rares et isolées ne vit pas au Maroc. Mais voyons. La chasse à l’homo est un divertissement national, aussi populaire que la chasse aux chats de gouttière et aux chiens errants, voire aux rats.
Quant à la haine du juif, elle est comme la lecture de Tintin : valable de 7 à 77 ans.
Parce qu’elle est culturelle. Le « culturel » ici est à prendre au sens viscéral, systémique, à la limite aveugle. C’est une question de patrimoine collectif, le nôtre. Un mélange entre ce qu’on nous a appris et ce qu’on a compris.
Nous en sommes tellement imprégnés que cette haine du juif est bien calée au fond de notre inconscient, prête à se « réveiller » et à se déclencher à tout moment. Comme à Fès, l’autre jour…
Dans le Maroc d’aujourd’hui, qui appelle à la tolérance, il ne faut pas hésiter à ranger l’antisémitisme parmi les plaies à soigner au plus vite. Et il faut arrêter de lier cet antisémitisme largement toléré au problème palestinien. C’est hypocrite et trop facile. L’antisémitisme existait avant même la création de l’Etat sioniste, demandons aux historiens, demandons à nos grands-parents…
Nous sommes bien d’accord que le Maroc est un pays tolérant. Mais il ne faudrait pas en faire une expression consacrée et vide de sens, comme une formule marketing. La tolérance c’est accepter l’autre, ce n’est pas tolérer l’intolérable et l’inhumain.
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