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UN PARCOURS TREPIDANT ET UNIQUE EN SON GENRE
A l'âge d'un an, Souad Razzouk débarque à Bruxelles, dans les bagages de ses parents. Elle est aujourd'hui à son 38 ème printemps.
Ses parents lui ont donné une éducation traditionnelle, où la culture marocaine prit une grande place.
Elle réussit, les doigts dans le nez, son parcours scolaire et se retrouve comme assistante sociale, confrontée aux difficultés de ceux qui souffrent de l'exclusion et du rejet.
Munie de son diplôme d'A.S, la jeune Souad accompagne les jeunes pendant 4 ans avant de rentrer en 2002, au sein du cabinet du ministre régional FDF, Didier Gosuin
Elle est chargée de conseiller le numéro 2 du parti amarante au sujet de la politique à mener en matière de Santé, dans les domaines de la toxicomanie, de la petite enfance et de la
prévention.
Souad Razzouk
L'assistante sociale Souad Razzouk, rendant visite à une amie
En 2003, un an après son entrée en service chez Gosuin , Soaud, sans qu'elle l'ait demandé, se voit propulsée par le FDF sur la liste des Fédérales. A sa grande surprise , elle dépasse les 3500 voix, pour la Chambre.
Elle m'avoua lors de notre récente rencontre, qu'à cette époque, elle ne connaissait rien ou quasi à la politique et chose curieuse, personne ne lui avait proposé de prendre sa carte du parti de Maingain.
En 2004, celle qui se décrit novice, à cette époque, en politique, est élue, à sa grande surprise, au parlement régional bruxellois. Elle occupait la huitième place sur la liste commune au FDF et au PLR (MR).
A partir de cette élection, elle entreprend de mieux se familiariser avec les objectifs et les idées du parti.
Elle n'y parvint pas, me dit elle: sa formation sociale et ses centres d'intérêts pour les matières personnalisables, ont très peu de place au sein du FDF.
Un parti, préoccupé quasi en permanence, par les droits des francophones, les questions communautaires et linguistiques et les problèmes de la périphérie.
Des questions, m'avoue Souad, auxquelles elle ne comprenait que peu de choses.
Entretien :
Bruxellois surement : Donc, en 2004, vous êtes surprise par votre élection au parlement bruxellois
Souad Razzouk: En toute sincérité, j'étais très surprise. La direction de mon parti l'était également.
B.S: Et à quoi attribuez vous votre score d'alors ?
S.R : Pendant mes études et après, je passais le plus clair de mon temps à essayer d'apporter aide et réconfort, à longueur d'années, à tous ceux qui me contactaient pour me demander de les aider à résoudre leurs difficultés.
Notre maison familiale était devenue, pour ainsi dire, une permanence sociale.
De plus, ma famille et mes amis m'avaient très fort soutenue, tant en 2003 lors des élections fédérales qu'à l'occasion des régionales.
B.S : Après cette élection, vous n'êtes pas restée longtemps au FDF, pouvez vous nous en expliquer les raisons?
S.R: Vous n'allez peut être me croire. A mon arrivée au parlement régional bruxellois, sans y avoir été préparée ou formée, je me suis rendu compte que je ne connaissais que très peu de choses à la politique politicienne et représentative.
J'avais une grande gueule et un caractère très rebelle à cette époque. Et le fait de m'être trouvée au sein d'un parti politique qui, à mon goût ne se souciait que très peu des questions sociales ou culturelles, me mettait mal à l'aise et bloquait les initiatives que j'avais à coeur de prendre.
Souad Razzouk, au parlement bruxellois
B.S: Et comment s'est effectué votre passage au PS ?
S.R: Ce ne fut pas aussi simple que cela. Comme je m'étais ouverte à certains de mes amis à propos de ce malaise ressenti au sein du FDF, j'avais reçu, de manière très discrète, début 2006, une invitation venant de Joelle Milquet, qui souhaitait s'entretenir avec moi, en vue de mon passage éventuel au cdH
Lors d'un petit déjeuner auquel m'avait conviée Joelle Milquet, et auquel assistaient Bertin Mampaka, Benoit Lutgen et Celine Frémault, il me fut proposé de rejoindre le cdH.
Milquet me proposant lors de cette rencontre, la 3 éme place sur la liste du cdH à Bruxelles Ville, pour les communales de 2006, un poste d'échevine....ainsi que la 3 ème place sur la liste du cdH pour les régionales de 2009
B.S: Et vous aviez accepté?
S.R: J'ai accepté sans réserves et nous conclûmes que cet accord devait rester secret le plus longtemps possible.
B.S: Et que se passa t il par la suite ?
S.R: Très vite, le contenu de cet accord fut divulgué aux médias et la Libre Belgique annonça en grand titre de l'une de ses éditions : "LE CDH FAIT SON SHOPPING, SOUAD RAZZOUK COURTISEE".
B.S: Qui d'après vous, qui avait divulgué le secret ?
S.R: Je vous ai cité les noms des personnes qui se trouvaient à la table de ce petit déjeuner pendant lequel, cet accord avait été scellé. Je vous laisse le soin de penser ce que vous voulez.
B.S: Et après ?
S.R : Très peu de temps après, j'allais vivre les moments les plus atroces de ma vie: un anonyme se chargea de me harceler sans cesse en m'envoyant à toutes heures de la journée et de la nuit, des SMS remplis d'insultes diverses et des menaces de mort.
Les pneus de ma voiture furent crevés à plusieurs reprises. J'étais devenue parano en rue et avais installé des caméras chez moi.
Cela dura plusieurs mois, jusqu'à ce que la police découvrit que derrière cet anonyme se cachait un certain Mustapha Moussaoui, qui au moment de son arrestation par la police, alla déclarer être mon "petit ami".
B.S: Comment la police avait identifié cet anonyme ?
S.R : Mon avocat avait insisté auprès de la police pour que soient utilisés des méthodes très sophistiquées de détection des appels par GSM.
J'avais dû débourser beaucoup d'argent pour cela. Et au tribunal, les juges avaient conclu, après vérifications de mes appels durant l'année écoulée, que jamais je n'avais formé le numéro de ce type, qui prétendait être mon petit ami et jurait tous ses dieux que je n'arrêtais pas de l'appeler.
Je fus très soulagée de ce dénouement. Mais j'étais brisée mentalement.
Le coupable de cet harcèlement travaillait au sein de l'administration de Bruxelles Ville. Je me pose toujours la question au sujet des commanditaires de cette opération de déstabilisation qui a failli me conduire vers la folie, moi et ma fille.
B.S: Finalement, votre accord avec le cdh, qu'est il devenu.?
S.R: Je n'avais plus la tête à cela et j'ai même renoncé à passer au cdH, de peur que ce genre d'attaques ne recommence. Car j'étais certaine que ma venue à la Ville de Bruxelles devait contrecarrer les calculs de certains.
Fatima Moussaoui, la soeur de mon harceleur était tout autant malade et traumatisée que moi par la découverte du coupable.
B.S: Quand s'est alors effectué votre passage au PS ?
S.R: : Ce fut Philippe Moureaux qui allait me proposer de rejoindre son parti, en 2007.
Plus tard, début 2009, le président de fédération du PS bruxellois avait déclaré, au parlement bruxellois, devant tous les élus régionaux PS, que pour ce qui concernait les élus régionaux PS, les places sur la liste lors des Régionales 1999, allaient être attribuées au mérite et à l'impact du travail des parlementaires sortants.
Cela m'avait rassurée car j'étais très active au sein de l'institution régionale.
Sauf qu'à la veille des élections régionales de 1999, je fus reléguée à la 28 ème place de la liste, avec comme résultat, de ne pouvoir dépenser qu'un minimum pour ma campagne.
J'ai considère cela comme un désaveu et comme un acte hostile à mon égard.
B.S: Qu'avez vous pris comme option suite à ce que vous considériez comme un désaveu?
S.R: Je me suis engagée sans grande conviction dans la campagne des Régionales et n'ai pu engranger à l'arrivée, qu'un résultat en deçà de mes capacités.
Sans parvenir à être réélue.
B.S :Et par la suite ?
S.R: J'étais présente au conseil communal bruxellois depuis octobre 2006.
C'est là qu'en 2010, Milquet m'avait à nouveau approchée pour me demander de venir au cdH. Pour elle, rien n'avait changé quand à son amitié et son estime à mon égard.
Et c'est ainsi que je me retrouve au Centre démocrate humaniste, depuis ce contact.
B.S: A ce jour, et au vu de votre parcours politique trépidant, que retirez vous comme enseignements ?
S.R: Pendant très longtemps, je fus encouragée pour entrer dans la compétition électorale sans être préparée pour l'exercice de ma fonction d'élue.
D'autre part, je pense que certains partis m'ont boostée, à cause de ma popularité et du paquet de voix que je pouvais leur apporter.
Je pense que mon caractère et mon tempérament rebelles, ainsi que ma grande émotivité, n'étaient pas faites pour me permettre d'adhérer à la discipline partisane.
B.S: Et aujourd'hui, vous vous présentez à nouveau sous le sigle cdH. Pensez vous être à même d'assumer la suite de votre carrière.
S.R: Je pense que les coups que j'ai ramassés et les expériences que j'ai vécues, m'ont fait mûrir et m'ont appris à être plus lucide et davantage patiente. J'ai aussi fini par comprendre la complexité de l'exercice de la politique.
Comme la plupart des élus issus de l'immigration qui ont été laissés à leur propre sort sans encadrement et sans formation, j'ai dû apprendre par moi même la pratique compliquée de l'exercice politique.
J'ai d'ailleurs rédigé, sous la direction du professeur André Rea de l'ULB, un ouvrage dans ce sens, dans lequel je décortique, à partir de mon expérience propre, les relations complexes et souvent ambigües qu'entretiennent les partis politiques avec leurs mandataires issus de l'immigration.
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Profondément musulmane, Souad Razzouk est fière de l'éducation que lui ont donné ses parents. Une éducation où l'ouverture vers la modernité et l'attachement aux valeurs de solidarité et du partage constituent chez elle, des fondamentaux.
Elle n'a aucun problème avec sa double culture, voire même sa double allégeance belgo marocaine.
Propos recueillis par Khalil Zeguendi.
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